La France des années 90 était indubitablement cool. Tam-Tam, Minitel, Dragon Ball et Eurodance. Personne ne pouvait tester un tel truc. C’était indubitablement le pinacle de la civilisation française. Mais cela ne doit pas nous faire oublier que le reste du monde était plongé dans une grave crise de valeur, surtout notre bon ami américain qui n’avait pas encore eu le bon goût de se choisir Beyoncé comme Première Dame, mais c’est normal, elle était encore dans les TLC ou les Atomic Kitten (je crois, je ne suis pas très bonne avec la R’n’B).
Le début des années 90, mes amis, c’était Bush qui succédait à Reagan, la criminalité rampante, le crack, le Prince de Bel-Air et Notre Belle Famille. Le nadir abyssal du pays de l’Oncle Sam. Témoins de l’âge apocalyptique que le pays traversait : RoboCop, Judge Dread et le film Super Mario. Pas étonnant que tout cela se soit fini par six saison en trop de Friends et un avion dans les deux tours.
Cette partie de l’exposé étant bel et bien bouclée et 100% incontestable, nous pouvons maintenant en venir au fait : le film dont nous allons parler aujourd’hui porte en lui l’ADN violent et tourmenté de cette période sinistre de l’Histoire U.S, sans pour autant négliger ses origines littéraires qui nous viennent des bas-fonds de l’Angleterre Victorienne.
Nous allons parler de Frankenhooker (Frankenpute, pour ceux qui auraient l’inculture de ne pas causer anglais), film injustement oublié d’un Frank Henenlotter lui aussi tout à fait injustement oublié (malgré des chef d’œuvre comme Bad Biology ou Basket Case 3 au compteur)
Très vaguement (et je suis laxe) inspiré du roman de Mary Shelley, Frankenhooker nous plonge dans le New-Jersey* de la fin des années 80. Jeffrey Franken, un jeune savant fou à mulette qui fait pousser des cerveaux avec des yeux dans des bocaux (curieusement, ce fait ne sera pas du tout réutilisé passé l’incipit du film) , perd sa petite amie, la blonde et pulpeuse Elizabeth Shelley, dans un accident de tondeuse à gazon. Découpée en milliers de petits morceaux, l’imprudente laisse un fiancé éploré, bien décidé à passer les quelques mois suivants à marmonner dans sa chambre-laboratoire en dessinant des vecteurs sur des plans.
Oui, parce que faut vous prévenir : Jeffrey marmonne. Tout le temps, sur toute la péloche. Renforçant le côté instable du personnage, ce fait est aussi une source permanente de parasitage sonore un peu étrange, parfois désagréable.
Bref, Jreffrey Marmonne en traçant des plans étranges. Quand le spectateur médusé le voit dîner avec la tête empaillée et découpée de Lizzy, il comprend rapidement les tenants et les aboutissants spectaculaires du métrage : Jeff va descendre en ville pour aller décapiter une fille quelconque avant qu’arrive cette fameuse tempête du siècle que des journaux télé très très cheap annoncent dans sa petite télé cathodique. Et tant qu’à faire, parce qu’on est dans du cinoche de haute volée, Jeff va aller recruter chez les putes.
La ville, c’est New-York (« juste de l’autre côté du pont »), crasseuse, pleine de néons indiquant « sex », aux rues remplies de pimp, de crack, et de figurant piochés dans l’asile du coin et habillés avec la collection printemps/été des 3 Suisses 1988. On est pas là pour faire dans la subtilité, même Frank Miller, c’est de la dentelle, à côté. Mais on est en train de regarder Frankenhooker, pas Nobody Knows, alors arrêtez de pinailler.
Dans ses valises, Jeff a apporté du « Super Crack » raffiné dans des bocaux qui font des bulles, ce qui laisse à penser que les auteurs de Breaking Bad ne sont pas à l’abri d’un procès pour plagiat. Le Super Crack, ça va servir à tuer les putes que Jeff va recruter au coin d’une rue pour en faire un splendide patchwork afin d’y poser la tête aimée.
Après diverses péripéties impliquant beaucoup de nichons en plastique, il s’avère que :
- Le Super Crack fait littéralement exploser les prostituées (heureusement transformées en mannequin en mousse avant l’explosion)
- Zorro, le pimp stéroïdé et moustachu du coin, est pas très content d’avoir vu ses meilleurs grlz réduites en confettis.
Sa bagnole pleine de bouts de putes, Jeff commence son assemblage monstrueux et y balance les mille milliards de gigowats nécessaire au retour de l’être aimé, qui redescend du toit en vie, avec les cheveux violets (non, sans raison particulière), et avec les neurones grillés.
La créature monstrueuse commence à errer dans New-York en hurlant des phrases de putes des années 90, et, pour faire simple, fait littéralement exploser les clients monstrueux qu’elle tronche à la va-vite dans les poubelles. Jeffrey, à ses trousses et après une brève et incompréhensible incartade avec un touriste allemand**, va réussir à ramener la créature à la maison. Entre temps, cette dernière aura eu beau jeu de se faire repérer par le fameux Zorro sous stéroïdes.
La scène finale du film implique trop d’éléments qu’il serait dommage de spoiler, alors parlons simplement d’organes agglomérés rampant hors du formol, de grande tirade sur l’universalité de l’amour pendant une opération à tête ouverte, et de fusion sexuelle dans les égouts qu’on peut déconseiller aux heures habituelle des repas.
A ce stade de la lecture, vous l’aurez compris : comme le laisse sous-entendre son titre, Frankenhooker est définitivement placé sur l’autel du bon goût. Fleuron de l’analyse de mœurs socio-économico-sexuelle américaine comme peuvent l’être Il était une fois en Amérique, Virgin Suicide ou Pimp My Ride, ce film est à projeter, des trois ans, dans toutes les maternelles, pour que Jean-François Coppé nous livre illico presto une fiche technique et un avis mesuré qui ne manquera pas de relancer les ventes d’un long métrage qui, malgré ses qualités absolument insondables, n’aura rapporté que 200 000$ de recette pour 2,5M de budget. Ce qui explique peut-être qu’on ait pas beaucoup revu Frank Henenlooter pendant les deux décennies suivantes. Et pendant ce temps, Mickael Bay court toujours. Y’a pas de justice.
* Pour les incultes, le New-Jersey est l’Etat voisin de la ville de New-York sujet de blagues belges de la part de ces derniers qui jalousent les loyers pas chers, les arbres et la tranquillité que leur métropole ne leur offre pas
** A noter aussi une scène ou des touristes japonais prennent des tas de photos de putes en souriant bêtement et en faisant des courbettes devant un grand panneau « Fujifilm ». Pour les plus jeunes, à l’époque, les japonais n’étaient pas aussi trendy que maintenant, et Fujifilm était une marque de… Ho, laissez tombez vous pouvez pas comprendre.